Retour vers le présent

par Manon LIDUENA

Au début, on s’est dit qu’il fallait s’exprimer. Ce confinement, cet état inédit d’enfermement généralisé nous poussait plus que jamais à nous tourner vers les autres, à partager notre ressenti. Et puis tout le monde s’est mis à parler, en même temps, dans une cacophonie virtuelle difficile à supporter. Du coup, on a tout mis en pause. Facebook, Instagram, MySpace (huhu). Et on a respiré. Les semaines ont passé, on a trouvé notre rythme, tant bien que mal. On s’est dit qu’on allait regarder Contagion et lire La Peste, et puis on a eu la flemme – et la troisième saison d’Ozark est sortie sur Netflix. Bref, la vie a pris son cours confiné.

Confinement spatio-temporel

Jusqu’à aujourd’hui. Quand on a voulu partager la photo d’un projet sur lequel on télétravaille actuellement. Et là, fichtre ! On s’est souvenus qu’on avait désinstallé toutes nos applis, perdu tous les mots de passe. On s’est alors demandé si on était prêts à rouvrir cette page, et toutes les autres. La curiosité a été la plus forte.

D’abord, on a découvert Confiné.e.s, une chouette série d’interviews d’architectes publiée dans L’Architecture Aujourd’hui-AA, qui met en lumière les réflexions de la profession sur l’impact écologique positif du confinement, la modification des méthodes de travail, l’activité des entreprises du BTP (1)

Et de là, on a filé vers Le Monde – si seulement – et on a lu cette phrase, de Renzo Piano, « L’architecture, c’est un jeu d’équipe ». On vous en a déjà parlé (2), ce collectif nous est nécessaire, il nous anime et aujourd’hui, il nous manque. Comment travailler ensemble, quand on est chacun chez soi ? (3)

En lisant les témoignages de Tema Archi, on s’est intéressés à la question de l’habitat individuel et comment le confinement révèle des inégalités imprévues, remettant parfois en cause les choix de vie. (4)

A plus grande échelle, c’est aujourd’hui toute la ville qui est interrogée, et plus précisément, sa densité. Interiors nous parle ainsi d’« urbanisme tactique ». A l’heure des espaces partagés et des services mutualisés, nous devons entièrement repenser nos espaces publics de manière distanciée. Et si demain, selon le contexte, la ville pouvait être adaptable, voire « réversible » ? (5)

La relation à l’espace de la femme, de l’homme, du chat – qui est clairement le mieux loti des trois en ce moment – est sur toutes les pages, sur toutes les lèvres. Si bien, qu’on ne sait plus où donner de la pensée. Heureusement, il y a Etienne Klein, qui a le pouvoir rendre limpides les phénomènes les plus complexes. En écoutant l’interview de ce physicien spécialiste du temps, une porte s’est ouverte. (6)

Klein nous dit que notre logement s’est transformé en cage, plus ou moins dorée selon les milieux sociaux. Il nous dit qu’être chez soi en permanence nous fait perdre nos repères. Quand on a pour seul horizon notre salon, cela enraye nos façons de prévoir la vie, de concevoir le temps. Klein nous dit qu’on ne peut pas voir loin dans le temps, si on ne voit pas loin dans l’espace. Bloqués dans un éternel présent, on s’évertue, en vain, à penser au futur. Alors que fait-on ? Et bien, pour la première fois peut-être, nous voilà synchrones avec notre présent. On ne sait pas quand demain viendra, mieux vaut penser à aujourd’hui. Et aujourd’hui, on a pris une belle photo de notre projet. Et on la poste, nom d’une pipe.

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